Quand le populisme gouverne : le masque tombe, le pouvoir reste (Par Mamadou Cissé)

Le populisme, une fois arrivé au pouvoir, cesse d’être une posture : il devient une méthode. Finies les tribunes contre “l’élite”, les anathèmes contre les institutions ou les promesses de rendre la parole au peuple. Le populiste, élu par la colère, gouverne par le contrôle. Et c’est là que le vrai visage apparaît.
Dès qu’il entre en fonction, le leader populiste s’empresse de consolider son autorité. Il s’attaque aux contre-pouvoirs, affaiblit la justice, muselle la presse, réécrit les règles du jeu. Tout cela, bien sûr, au nom du peuple.
Car c’est là son arme la plus puissante : il prétend incarner la volonté générale, réduire la démocratie à une acclamation. “Le peuple, c’est moi”, semble-t-il dire, sans le dire.
Mais une fois les effets de manche passés, le populiste se heurte au réel. Et là, il vacille. Les solutions simples à des problèmes complexes n’existent pas. Le populisme, obligé de faire face à l’économie, à la diplomatie, à la gestion de l’État, devient gestionnaire à son tour. Il compose, il recule, il trahit ses promesses.
Mais jamais il ne l’avouera : il préférera désigner un nouvel ennemi, inventer une nouvelle menace, pour faire diversion.
Car c’est là son autre technique : gouverner par la peur, par la division, par l’émotion brute. La raison, le débat, les nuances ? Trop lent, trop compliqué, trop démocratique. Le populisme a besoin d’un ennemi pour survivre : l’immigré, le journaliste, l’universitaire, le juge, l’Europe… Il gouverne en fabriquant de la crise permanente. Le peuple est tenu en haleine, et le pouvoir peut continuer.
Et pourtant, sous les oripeaux du tribun, c’est souvent une politique banale – voire cynique – qui se met en place. Le populisme ne transforme pas l’ordre établi, il le manipule à son profit. Il ne renverse pas les élites, il les remplace. Il ne redonne pas le pouvoir au peuple, il le concentre.
Alors, gouverner en populiste, ce n’est pas réformer. Ce n’est pas innover. Ce n’est pas résister. C’est, au fond, reconduire les mêmes logiques de pouvoir, en pire. C’est user du langage du peuple pour servir des intérêts personnels. C’est une promesse de rupture qui se termine, trop souvent, en trahison.
Mais l’Histoire est têtue. À chaque époque ses démagogues. À chaque génération, ses luttes contre la simplification et le mensonge. Et le sursaut démocratique, lui, finit toujours par venir.